Corse : une authenticité retrouvée

Et si, après quelques jours de farniente sur les plages d’Ajaccio, Porto-Vecchio ou encore Bonifacio, l’envie vous gagnait de découvrir les racines de l’Île de Beauté à travers ses produits labellisés ? Les Routes des Sens authentiques, mises en place par l’Office de développement agricole et rurale de la Corse (ODARC) vous invitent à la découverte de producteurs de miel, brocciu, charcuterie, vin, huile d’olive, farine de châtaigne, d’éleveurs de chèvres, de restaurateurs, d’artisans… Autant d’hommes et femmes qui ont placé les valeurs de partage, de convivialité et de solidarité au centre de leur accueil. Cap au Nord, là où une huitième Route des Sens authentiques « Nebbiui-Cap Corse » vient d’être balisée pour indiquer précisément la quarantaine d’étapes qui constituent autant de découvertes humaines que de produits du terroirs.

L’occasion rêvée de goûter à une Corse authentique de près, cet été dans le Cap Corse, dans les terres du Nebbiu… et pourquoi pas en septembre au moment des vendanges dans l’amphithéâtre naturel des vins de Patrimonio ?

La Corse possède une tradition agricole ancienne portée par des savoir-faire ancestraux (voir encadré). Encore fallait-il le faire savoir ! C’est précisément le but des Routes des Sens authentiques impulsées par l’Office de développement agricole et rural de la Corse (ODARC). Le concept peut se résumer en ce slogan formulé par Michèle Santini, agent en charge du projet : « Mille saisons, mille saveurs ». En effet, la saisonnalité et la multiplicité des produits rendent possibles des découvertes toute l’année, particulièrement en fin d’été, en automne et au printemps. Au coeur de l’été, dès votre arrivée sur l’Île de Beauté, vous serez invité à arpenter les Routes des Sens : campagne d’affichage, vitrine de produits, tablettes numériques, présence dans les quatre aéroports (Bastia-Luciana, Ajaccio, Calvi, Figari)… Grâce à la signalétique toute neuve invitant à vous diriger vers les adhérents de la Route des Sens, la balade sonne comme un retour aux sources : celles de la terre nourricière et des rencontres authentiques. Vins&Gastronomie l’a expérimenté dans les trois points d’ancrage de la huitième Route des Sens récemment balisée : le Nebbiu, qui comprend le berceau viticole de Patrimonio, et enfin le Cap Corse. Suivez le guide !

Le Nebbiu : une Corse intérieure naturellement sauvage

A l’ouest du Cap Corse et à l’est de la Balagne s’étend le Nebbiu, cette terre étymologiquement « nuageuse » avec le Golfe de Saint-Florent comme décor. Il suffit de s’enfoncer dans les terres pour découvrir une Corse mystérieusement pure et naturellement sauvage, comme chez François-Joseph d’Amore à Oletta. Pour l’heure, c’est Christine qui nous ouvre la majestueuse porte d’entrée de la ferme-auberge (« A Casa d’Amore », voir photo) récemment implantée près des ateliers de fabrication du Brocciu, ce fromage de brebis frais d’appellation protégée. Ici, ce couple élève des brebis de race corse. Le lait de brebis est aussi récolté pour d’autres fromages affinés (« U Casgiu d’Amore »), aussi vendus en direct aux consommateurs. Mais le must est de réserver un dîner. « Nous y servons 80% de produits corses lors de ces repas », souligne Christine. Une proportion beaucoup plus importante que le minimum (51%) fixé par la charte de la Route des Sens. De la salade de brocciu frais au fiadone, accompagnés des vins du cru, tout respire le terroir. Le jour de notre visite, François-Joseph est en formation pour le débit de boissons de la ferme-auberge.

Venez tout simplement y prendre une tasse de café, ou un petit verre de vin blanc. Parfait pour accompagner d’autres produits d’adhérents du Nebbiu, ici rassemblés pour l’occasion (voir photo) : fromages et tommes de chèvre de Christelle Dervieux (laquelle a obtenu un permis de construire pour des chambres et tables d’hôte qui diversifieront son activité d’éleveuse de brebis et de fromagère « Monte a Terra »… à suivre donc !), les huiles d’olives d’Olivier Morati (affairé à broyer les dernières olives noires de la saison dans son moulin à Santo-Pietro-di-Tenda), les miels et confitures de Félicien Luciani (Domaine Petricajola, que nous avions raté de peu ce jour-là pour cause de trajet plus long que prévu…). « Le balisage est vraiment très important pour nous, car c’est vrai que ce n’est pas évident de nous trouver », atteste Christine d’Amore. On le confirme, on se sent un peu au milieu de nulle part, ici, au cœur de Nebbiu… Mais n’est-ce pas précisément cela que nous recherchions ? Et puis, on est à l’abri du besoin « A Casa d’Amore » !

De petites exploitations pour une agriculture labellisée

Avec 18% de l’île en surface agricole, 1900 exploitations pour plus de 7000 emplois, la Corse possède 16 labels d’appellation d’origine contrôlée (AOC) et protégée (AOP). Par ailleurs, deux autres produits bénéficient d’une indication géographique protégée (IGP) : vin de l’Île de Beauté et clémentine de Corse, tandis que d’autres sont en démarche de reconnaissance (fromages, cabri, agneau, noisette et pomélo).

Patrimonio : berceau de la vigne insulaire

C’est à Patrimonio que se déroule le deuxième acte de nos escapades sur la Route des Sens. Chacun avec leurs produits sous le bras, les adhérents des alentours se sont donné rendez-vous dans la toute nouvelle Maison du Site, complexe architectural moderne qui abrite la Maison des Vins (voir encadré). Blanc, rosé, rouge, vin doux naturel (liquoreux) du très délicat Muscat du Cap Corse… rappelons que nous sommes certes ici dans le Nebbiu, mais surtout dans le village viticole corse le plus connu dans le monde, l’appellation Patrimonio accordée en 1968 étant la plus ancienne de l’île ! Sur la quarantaine de domaines à Patrimonio, un petit tiers a souhaité adhéré à la Route des Sens pour profiter de la signalétique spécifique, mais surtout pour s’intégrer à une démarche agricole collective. Femmes et hommes, ancienne et nouvelle générations, tous apprennent à se connaître le verre à la main… une ouverture pour des viticulteurs qui tournent souvent en cerle clos ! Pour preuve, David Boncompagni, producteur de farine de châtaigne sur une châtaigneraie de 12 hectares, échange son numéro de téléphone avec un domaine connu de Patrimonio. Le premier va ouvrir son propre moulin à farine pour conditionner et vendre ses sacs de farine à Olmeta-di-Capocorso. « J’en parlerai à mes clients quand ils passent au domaine », assure le vigneron. Sur la table, les vins se déclinent à l’infini avec le pain et la charcuterie corse (coppa, lonzu) tranchés par les magnifiques couteaux du coutelier Yves Andreani, point de passage obligé à Patrimonio. Autre accord éprouvé, le pain frotté à l’huile d’olive, celle d’Ange Pastinelli (« A Grotella »), à partir d’un petit millier d’oliviers dont 125 centenaires… L’oléiculteur var ouvrir lui aussi son propre moulin et un point de vente directe de sa production dans une « Pagliaghjiu » (cabanon, borie) rénovée sur ses terres à Olmeta-di-Tuda (voir carnet d’adresses complet en page suivante). Pour votre séjour « authentique » sur place, le couple Ficaja (en photo) illustre l’alliance parfaite entre production traditionnelle et développement. Les trois gîtes ruraux 3 épis tenus par Pascale offrent de grands espaces de vie dans une démarche d’ouverture vers les produits agricoles de Serge : élevage de brebis de race corse capri, collecte du lait… Leur agneau de lait, très prisé des grands chefs, expédié le matin par avion, est servi sur les tables étoilées parisiennes le soir même ! Sur place, saisonnalité oblige, on peut le goûter à la mi-novembre (à l’occasion de la Fête du Vin, voir ci-dessous) ou fin février.

Une Maison des Vins pour un Site particulier

Conçu par l’architecte Gilles Perraudin avec ses lignes droites verticales (colonages) et horizontales (persiennes) à partir de calcaire de Bonifacio, les bâtiments bioclimatiques qui composent la nouvelle Maison du Site au plein centre de Patrimonio se déclinera à terme en plusieurs corps : « une maison des vins, un musée ampélographique avec une scénographie des terroirs et un gustarium, enfin une école instrumentale », détaille le maire Guy Maestracci (à gauche), « en écho aux Nuits de la guitare de Patrimonio et en hommage à Gilbert et Renée Dominicci, vignerons-guitaristes enterrés sur le site. Car dans la dégustation du vin, il manque un sens -le son- et nous réalisons ici l’alliance de la musique et du vin ». C’est en compagnie de Jean-Laurent de Bernardi, président des vignerons (à droite avec la nouvelle bouteille syndicale en main) que nous nous immergeons dans le cirque de Patrimonio, cet amphithéâtre naturel que les arêtes granitiques du Saint-Angelo forment tout en laissant circuler l’air marin du Golfe de Saint-Florent : « Le classement en Site (loi paysagère) en cours serait garant de la préservation du vignoble tout en permettant le développement des projets oenotouristiques attenants aux domaines existants », détaille le président. Prenez date : la Fête du Vin a lieu ici chaque année le 11 novembre, jour de la Saint-Martin, patron des campagnes et des récoltes.

Cap Corse : un décor à couper le souffle

Dernier acte de cette pièce fantastique : le Cap Corse, son vent dominant et sa route de bord de mer dont les sillons s’enchaînent sans fin avec ce sentiment de bout du monde… On est ici sur la côte orientale du « doigt » de la Corse, tout au nord. Et toujours cette mer Méditerranée qui se jette sur les falaises ou les plages ponctuant le parcours. Pour notre rencontre avec les acteurs de la Route des Sens, le décor est planté pour un happy end chic et magnifique à la fois. A Cagnano, une villa d’Américain -bâtisse carrée héritée d’un aïeul marin dans l’armée de Napoléon, transformée en villa toscane- accueille nos accoucheurs corses de produits labellisés. Effet « Route des Sens », à notre arrivée, l’accès par la route de bord de mer est quasi bloqué pour cause de travaux : un point de vente direct des produits de la propriété (huile et vin blanc inclassable, embouteillé dans une bouteille d’huile aux bords carrés !) est en cours d’aménagement. Pas malin serait celui qui se priverait d’une pareille visibilité estivale sur cette route fréquentée entre Bastia et Macinaggio ! Entre les tours génoises, le cliché est parfait. Si les huiles d’olive se font ici concurrence, il s’agit plutôt d’une saine émulation entre, d’un côté, Isabelle Orsi, moulinière depuis 2011 à Rogliano (également productrice d’oignons de Sisco, doux comme celui des Cévennes, mais qui se garde aussi pour des produits dérivés comme le confit d’oignons) et de l’autre côté Christian Mons Catoni dont ses, l’association Cap Vert, déjà protectrice de légumes oubliés, va ouvrir un jardin de plantes endémiques de la Corse. Quant à la safranière du Cap, Stéphanie Scavino, également productrice d’oigno huiles « Terra di Catoni » se déclinent en fruité vert, mûr ou noir.

L’un des trois plus gros producteurs de miel de Corse est également de la partie : les jeunes et charmants Grégory (apiculteur de père en fils) et Alice Marchioni veillent sur plus de 300 ruches à Lavasina. Dans leur cabas, des nougats et du vinaigre de miel -deux nouveautés- à côté du bonbon au miel et de la propolis. A Lurins de Sisco, elle a ressuscité la production d’or rouge pour offrir des possibilités culinaires nouvelles. Comment ne pas finir en beauté ce tour de piste gustatif par une liqueur du coin ? Pour cela, on peut compter sur Fabien Barone qui a réveillé l’activité de distillerie à Pietracorbara. Sa liqueur « Mandarinetta » concentre à elle seule les saveurs de l’Île de Beauté : douceur agrumée, avec une pointe corsée. Ici aussi, à Cagnono même, vous aurez l’opportunité de séjourner chez une adhérente de la Route des Sens. Lucrezia Agostini a ouvert il y un an cinq chambres d’hôtes (« Casale Lucrezia », petits-déjeuners inclus) avec possibilité de réserver un repas le soir (comme chez Christelle d’Amore rencontrée précédemment au « coeur » du Nebbiu).

Pour aujourd’hui, la boucle est bouclée, le tour terminé, les papilles régalées et les yeux abreuvés d’images authentiques… Et si, demain, on repartait dans le Nebbiu pour poursuivre les découvertes sur la Route des Sens ?

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